FRANCESCO DA MILANO
Enregistrement transparent et très défini dans une acoustique agréable.
PLAGE 4 DE NOTRE CD
On sait assez peu de chose du luthiste le plus fêté de la Renaissance italienne. Qu'll voit le jour en août 1497 - à Milan, on s'en doute-, six mois après la mort d'Ockeghem; Mantegna travaille alors au Parnasse du studiolo d'Isabelle d'Este. Qu'il meurt en 1543, comme Du Bellay, Copernic et Holbein le jeune, son exact contemporain. Que les cours et les papes se sont disputé ses services à prix d'or - c'est l'un des premiers instrumentistes convoités à ce point. On connaît surtout son surnom: il divino. Francesco fascine, on lit cela partout, notamment dans l'hommage que lui rend Pontus de Tyard l'un plus beaux textes sur l'extase musicale (dans le Solitaire Second, 1555).
Cet enregistrement est le premier qui évoque ce pouvoir. Les rares prédécesseurs d'Hopkinson Smith (O'Dette en 1985, Beier en 1997 et 2006, Wilson en 2006) ont ciselé ces ricercars et autres fantaises sans jamais les faire chanter comme ici. C'est peut-être cela, tout simplement, le secret: chanter, ne jamais laisser la pulsation prendre le dessus. D'ailleurs, à la différence de ses contemporains De Rippe ou Le Roy, Francesco ne nous laisse aucune danse, et déploie rarement dans ses transcriptions de pièces vocales leurs diminutions qui font briller la main et reposent l'espirt. Rien n'est flatteur chez lui : tout procède de la polyphonie, même les feux éclats lumineux mais le fluide enchevêtrement de leurs reflets. Cette plénitude captive. L'oreille est happée par lea progression harmonieuse et libre des lignes, principe du motet auquel le toucher d'un maître ajoute l'intimité et l'intimité et l'intensité nuancée de la diction des cordes.
Hopkinson Smith signe lui-même un texte de présentation subtil, qui en appelle aux << auditeurs virtuoses >> et n'a qu'un défaut, ne pas citer Pontus de Tyard : << Il n'ut esmu l'air de trois pinçades, qu'il ront les discours commencez entre les uns & les autres[...]. Peu à peu faisant, par une sienne divine façon de toucher, mourir les cordes sous ses dois, il transporte tous ceus qui l'escoutoient en une si gracieuse melancolie,[...] qui d'une bouche entr'ouverte & des yeux plus qu'à demi desclos se clouant (ust on jugé) aux cordes, et qui d'un menton tombé sur la poitrine [...] demeuroit privez de tout sentiment, ormis de l'ouïe, comme si l'ame ayant abandonné tous les sièges sensitifs, ce fust retirée jusqu'aux oreilles. [Nous y serions encore] si lui mesme n'ust resuscité les cordes, & de peu à peu envigournat d'une douce force son jeu, nous ust remis l'am & les sentimens, au lieu d'ou il les avoit derobez. >>
by Gaëtan Naulleau (Diapason Magazine)