Francesco da Milano: Musique pour le luth
L’incessante quête d’Hopkinson Smith à travers l’efflorescente littérature luthistique se fixe aujourd’hui sur Francesco Canova da Milano, le prodige choyé des Princes, de l’Empereur, et des Papes, de la première moitié du XVIe siècle. Smith propose un panel caractéristique de ce compositeur prolixe afin d’en révéler la diversité et la complexité, en associant, par groupe de trois, des pièces très élagroupe de trois, des pièces très élaborées, telles les fantaisies et les ricercar, à des pièces plus faciles, saltarello, gaillardes ou chansons ; une organisation qui tient en vigilance l’intérêt et l’écoute. Il n’hésite d’ailleurs pas à mettre la main à la pâte par des « reconstructions » de son crû, sur des chansons en vogue de l’époque, en donnant une telle parenté avec Da Milano que l’on s’y méprend.
Toutefois, ce sont dans les fantaisies et les ricercar que Smith exprime le mieux la haute tenue de cette musique. Son jeu précis équilibre les voix d’un contrepoint savant constamment renouvelé par de subtiles ruptures de rythme que résume la très belle Fantaisie 55, considérée par Da Milano lui-même comme « la piu bella et divina a che abbia fatto », où la liberté de l’improvisation le dispute à la rigueur des thèmes qui s’entrecroisent dans un véritable lacis sonore. Il porte aussi à son plus haut degré de lyrisme cette musique inspirée dans le Ricercar 51, où l’introduction, en notes égrenées se solidifie dans des accords sur lesquels émerge une mélodie mélancolique et raffinée qui se dissout dramatiquement dans des gammes ascendantes et descendantes dominées par une note obsédante, jusqu’à la délivrance finale, libre comme une improvisation.
En son temps, on appelait Da Milano « Il Divino ». L’identification de Smith à ce compositeur, par la qualité exceptionnelle de son interprétation, l’investit du même honneur.
by Claude Vernant (http://www.qobuz.com)